Les marques engagées : point de vue d’agence

12 août 2021 | Wahn Yoon, président et Chris Dacyshyn, codirectrice générale de la création, Bleublancrouge Toronto (BBR)

J’ai récemment assisté à un « sommet mondial sur le numérique » et cela m’a ouvert les yeux. Mis à part les problèmes techniques courants, la complexité de créer des « tables rondes » sans tables et la difficulté d’approcher d’autres professionnels sans pouvoir casser la croûte avec eux, la conférence portait sur un thème qui m’a emballé et inspiré : l’engagement.

Pendant les trois jours qu’a duré le sommet, le mot en « E » a été utilisé à profusion par les spécialistes aguerris de tous genres participant aux discussions. Comme si toutes ces personnes avaient contracté le virus, pour ainsi dire, et qu’elles le propageaient. Pourquoi? Parce que beaucoup ont reconnu que, de nos jours, les consommateurs autant que les employés (particulièrement ceux des générations Y et Z) s’attendent à ce que les marques s’engagent, exigence dorénavant primordiale, afin de demeurer pertinentes en cette ère de grands changements sociaux et de prise de conscience accrue.

Certaines personnes ont même remarqué que des sociétés d’investissement utilisaient des mots comme « contribution à la société » et « ajout de valeur à la société par le biais de vos produits, vos services et vos entreprises » transcendant la simple action philanthropique. Dans les faits, plusieurs sociétés d’investissement mondiales prônent désormais l’engagement comme critère de base pour guider les décisions de leurs entreprises. Le PDG de la société d’investissement Blackrock, Larry Fink a tenu ces paroles : « Une entreprise ne peut atteindre la rentabilité à long terme si elle ne s’engage pas et ne considère pas les besoins d’un large éventail de parties prenantes. »

Toutefois, mon expérience à la conférence m’a permis de remarquer que dès qu’une conversation sérieuse s’amorçait sur le sujet, les propos se révélaient plutôt vides de sens. Pour citer la grande Gertrude Stein : « There was no there, there. » (Trad. libre : Il n’y avait rien là.) Personne n’arrivait à définir ce qu’était l’engagement de marque ou encore le marketing engagé. Seuls quelques cas et autres exemples de gens qui s’en tiraient bien ou qui agissaient avec plus de profondeur ont été présentés.

Donc qu’est-ce qu’une marque engagée ou qu’est-ce que le marketing engagé?

Parfois, c’est plus facile de reconnaître ce qu’une chose n’est pas avant de parler de ce qu’elle est. L’engagement n’est pas :

  • une campagne sur la COVID-19 qui dit aux consommateurs ce qu’une marque doit être pour demeurer pertinente pendant la pandémie;
  • une campagne sur votre intégrité patrimoniale qui raconte votre vénérable origine et explique les valeurs de votre marque;
  • une contribution philanthropique par votre entreprise (ceci devrait déjà faire partie de vos pratiques courantes à titre d’entreprise socialement responsable).

Si ces avenues ne sont pas des formes d’engagement, alors vers quoi doit-on se tourner? Ma collègue, Chris Dacyshyn, codirectrice générale de la création de BBR Toronto, jouit d’une immense expérience en la matière. Voici sa réponse à cette question :

Je crois qu’une marque démontre de l’engagement lorsque qu’elle devient un ardent promoteur d’une croyance sociétale ou d’un besoin non satisfait qui s’inscrit dans le prolongement naturel de son propre ADN.

D’une certaine façon, l’engagement correspond à ce qu’une marque aurait dû faire réellement depuis le début, à part fournir un service ou un produit bien entendu.

En créant, en modelant et en mettant de l’avant des plateformes engagées comme celles de Nike, de Dove avec le Projet pour l’estime de soi et la campagne Vraie beauté, de Hellman’s avec son mouvement Mangez vrai et de Huggies avec Des câlins pour tous les bébés, j’ai découvert que l’engagement est loin de se révéler une science exacte. Et que celui-ci ne s’applique pas à toutes les marques.

Mais pour les marques qui y trouvent leur raison d’être, il n’y a pas de retour en arrière possible. En fait, je suis convaincu que le monde entier ne retournera jamais en arrière. L’engagement semble être installé pour de bon parce que les consommateurs y ont goûté et qu’ils en redemandent désormais.

Des études ont démontré que les marques dont l’engagement est convaincant surpassent nettement leurs concurrents non engagés. Pourtant, nombreux sont les chefs de file qui considèrent l’engagement comme une stratégie marketing surutilisée et qui rejettent cette avenue d’emblée. Mais n’est-ce pas comme dire que nous devrions arrêter de focaliser sur la profitabilité parce que cette stratégie est surutilisée, ou de produire des produits de qualité parce que c’est ce que tous les fabricants font?

Les meilleures agences de création peuvent aider à déterminer le type d’engagement à soutenir, à le faire remonter en surface, à le rendre réel et magnifique et à le crier sur tous les toits avec beaucoup de conviction. Mais celui-ci ne peut être inventé et mis en œuvre par une agence de la même manière qu’une campagne publicitaire. Il incombe aux marques de donner vie à leur engagement, de lui donner des ailes, avant et bien après l’arrivée d’une agence dans le portrait.

Lorsque Nike a lancé « Croyez en vos rêves » avec Colin Kaepernick, cette notion ne sortait pas des limbes puisque Nike utilisait des athlètes pour appuyer son discours sur la diversité depuis très longtemps.

Patagonia s’est donné pour mission de « sauver notre planète ». Mais l’agence n’a pas eu à sortir ce positionnement d’un chapeau. C’est ce en quoi le fondateur de Patagonia, Yvon Chouinard, a cru toute sa vie.

Patagonia, Nike et toutes les autres marques engagées reconnaissent qu’elles doivent régulièrement réitérer leur engagement par le biais d’actes concrets, pas seulement avec des mots. Elles admettent également qu’il leur est presque impossible de faire marche arrière sur leur engagement parce que les adeptes de leurs marques se sentiraient trahis. Voilà pourquoi il faut s’assurer de viser dans le mille dès le départ.

L’engagement d’une marque doit-il toujours porter sur la conscientisation sociale? Je ne crois pas. Un des exemples que je préfère et qui date de plus de 120 ans, c’est le Guide Michelin. Un fabricant de pneus a non seulement inventé l’idée de voyager pour le plaisir (tout en usant des pneus), mais il a aussi mis de l’avant l’importance de découvrir le monde qui nous entoure.

De nos jours, presque chaque marque émergente digne de mention s’articule autour d’un engagement profond. Le monde entier a des comptes à rendre pour ses actions, les marques ne font pas exception. Et il est grand temps!

Pour en savoir plus sur l’engagement des marques, les membres de l’ACA peuvent se connecter pour accéder à l’enregistrement et à la documentation du webinaire animé par Wahn Yoon le 15 juillet dernier. Les marques engagées : les bonnes pratiques lors de la création d’une marque qui s’engage.