Ce que Milléniaux et Liliputiens ont en commun
23 février 2017 | ACA Team,
En 1726 paraissait la première édition des Voyages de Gulliver de Jonathan Swift. Cette première version était présentée sous une forme très conservatrice après avoir subi d’importantes coupures. Heureusement, le manuscrit original de cette œuvre profondément satirique a finalement été publié en 1735. Le livre raconte les aventures de Gulliver, un voyageur qui explore des pays imaginaires tous plus étranges les uns que les autres, tel celui habité par ce qu’il appelle la société des Liliputiens – des hommes minuscules qui le font prisonnier.
Aujourd’hui, le milieu des médias et du marketing, est confronté par une « société » de consommateurs, les Milléniaux, qui – comme les Liliputiens – possèdent des caractéristiques imaginaires et mythiques. Voici quelques grands titres qu’on a pu lire récemment à leur sujet :
« Les Milléniaux se méfient du système alimentaire canadien révèle un sondage. »
« La guerre aux Milléniaux. Pourquoi ils vivent plus de difficultés que vous. »
« Le Milléniaux en déni par rapport aux coûts de l’augmentation du déficit. »
Tous ces soi-disant traits de caractère s’écartant des constantes du groupe d’âge en disent finalement plus sur les auteurs qui les ciblent que sur ce segment lui-même. Les Milléniaux sont-ils vraiment différents ou ne représentent-ils qu’un simple groupe d’âge ? Sont-ils une version teintée d’âgisme de ces Liliputiens imaginaires ?
Le terme « Milléniaux » a été créé en 1987 pour qualifier les personnes nées entre 1980 et 2000 et qui, aujourd’hui, sont âgées de 16 à 36 ans – soit approximativement le même que le groupe cible populaire des 18-34.
Aussi appelé Génération Y, Génération du moi ou Écho Boomers, ce groupe a fait l’objet d’analyses sans fin qui ont permis de le définir, de le redéfinir et de le redéfinir encore… si bien qu’on se retrouve aujourd’hui avec un amas de caractères contradictoires. Voyez vous-même :
Milléniaux | Génération Y |
---|---|
Génération moi | Écho du baby-boom | Conscience civique | Narcissiques |
Isolés | En réseau |
Dorlotés | Ignorés |
Travail/vie | Argent |
Joueurs d’équipe | Solitaires |
Prudents | Extravagants |
On compte 8,4 millions de Milléniaux au Canada aujourd’hui, soit près de 30 % de la population canadienne de 12 ans et plus. Le groupe démographique des 18-34 est à peu près de la même taille que les 35-54 et les plus de 55 ans. On peut donc se demander s’il s’agit d’un groupe cible ou d’une catégorie de recensement.
Une façon d’essayer de déterminer si les Milléniaux sont un groupe-cible extraordinaire ou, tout simplement, un groupe d’âge surévalué, c’est de comparer les Milléniaux d’aujourd’hui aux 18-34 d’il y a 20 ans qui ont vieilli pour devenir la Génération X (âgés aujourd’hui de 35 à 54 ans). Autrement dit, les Milléniaux sont-ils vraiment différents de leurs prédécesseurs d’il y a 20 ans?
Pour effectuer la comparaison, nous avons établi le profil des 18-34 actuels au moyen de Vividata et consulté un sondage PMB de 1997 pour le profil de leurs prédécesseurs. (Résultats en anglais)
Tous nos remerciements à IMS qui ont pu retrouver l’étude PMB de 1997 et le logiciel permettant d’en extraire les données.
BEAUCOUP DE CHOSES ONT TRÈS PEU CHANGÉ
Il y a un peu plus de 18-34 de nos jours
On compte 8 % plus de 18-34 aujourd’hui qu’il y a 20 ans – ce qui correspond à la courbe de croissance de la population.
La répartition par groupe d’âge est semblable
En 1996, les 18-24 représentaient 37 % de tous les 18-34. Aujourd’hui, cette proportion est à peu près la même. Une erreur fréquente chez les annonceurs est de croire que les Milléniaux ont tous 20 ans. Or, on peut être dans la trentaine et en faire partie quand même.
La croissance des revenus correspond à l’inflation
En 1996, 44 % du groupe d’âge avaient un revenu de 50 000 $ et plus. Aujourd’hui, 44 % des Milléniaux font 75 000 $ et plus. Le pouvoir d’achat entre les deux est comparable.
Le nombre de propriétaires est stable
Il y a 20 ans, 64 % des 18-34 étaient propriétaires de leur domicile, aujourd’hui, c’est 61 %. Le défi financier relié à la propriété s’est probablement accru en 20 ans, mais le désir d’acheter une maison est resté le même.
Ils sont autant à avoir des enfants à la maison
Il y a 20 ans, 47 % des 18-34 avaient des enfants âgés de moins de 18 ans qui habitaient chez eux. Cette proportion est la même aujourd’hui.
Le statut marital est identique
Aujourd’hui, 44 % des Milléniaux sont marié ou conjoints de fait, ce qui est virtuellement identique à la situation il y a 20 ans, où c’était 42 %.
IL Y A QUAND MÊME DU CHANGEMENT
Les Milléniaux sont plus éduqués
Depuis l’époque de mon arrière-grand-père, chaque nouvelle génération a été plus éduquée que la précédente et les Milléniaux n’échappent pas à cette règle. Aujourd’hui, 30 % des 18-34 détiennent un baccalauréat ou un diplôme de troisième cycle, alors qu’ils n’étaient que 16 % en 1996. Oui, les Milléniaux sont plus éduqués, mais cette progression ne fait que refléter celle affichée par la population âgée de 12 ans et plus.
L’importance des communautés a changé : les marchés sont plus grands
En 20 ans, la proportion des 18-34 habitant dans des marchés dont la population est d’un million de résidents et plus est passée de 34 % à 51 %. Dans certains cas, les marchés se sont étendus autour des Milléniaux, et dans certains autres, ce sont les Milléniaux qui ont été attirés par les grandes villes. Les marchés sont plus grands, certes, mais cette migration a été vécue par l’ensemble de la population canadienne.
Les habitudes médias sont très différentes
Les Milléniaux ont grandi avec Internet. Il n’est pas surprenant de constater que les 18-34 d’aujourd’hui en sont de grands utilisateurs et qu’ils ont délaissé les autres médias. Il y a 20 ans, les 18-34 étaient dans la moyenne des utilisateurs des médias traditionnels.
Par ailleurs, les Milléniaux consomment un peu moins de bière et de boissons alcoolisées, mais à peu près autant possèdent une auto que leurs prédécesseurs.
Les 18-34 sont moins fidèles aux marques et plus influencés par les prix que ceux d’il y a 20 ans. N’est-ce pas le cas pour nous tous?
Alors, la prochaine fois qu’un guru média ou un journaliste utilisera le terme « Milléniaux », pensez « Liliputiens ». Dites-vous que les deux termes existent parce que des auteurs ont attribué des caractéristiques imaginaires aux uns et aux autres…
Rob Young est vice-président principal, directeur, Connaissance et analyse du marché, PHD Canada.
Cet article est paru par le Media Digest 2016-2017 du CMDC. Vous pouvez télécharger cette publication à partir de la page des ressources de notre site. (En anglais seulement.)